Décisions responsables

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Soit le veau, soit nous

Quiconque élève des vaches et les trait, ou vit de la vente de lait, sépare généralement les veaux de leurs mères immédiatement après leur naissance. Les vaches sont traites, le lait est vendu, transformé en fromage ou il finit dans les rayons des grands distributeurs. Les veaux reçoivent leur ration deux fois par jour dans des seaux d’eau. Si une vache donne naissance à un veau chaque année, c’est uniquement dans le but de produire du lait.

Mais il y a aussi des producteurs laitiers qui cherchent des alternatives à cette séparation brutale et contre-nature. Certains ont plusieurs vaches nourricières sélectionnées pour tous les veaux, d’autres laissent les veaux avec leur mère pendant trois semaines. Ce n’est qu’après cette période intense passée ensemble qu’ils séparent la mère du veau et ne laissent alors les veaux que deux fois par jour auprès d’elles, afin qu’ils puissent téter directement. Une fois que le veau a bu son lait, le reste du lait est tiré des pis. (élevage de veaux avec leur mère)

Arrêt de la production

En 2014, nous avons décidé d’arrêter la traite, car la vente de lait était devenue une activité non rentable.

Depuis que nous avons cessé de traire, nos vaches laitières de couleur brune sont devenues des vaches nourricières. Elles s’en sont remarquablement bien sorties. Bien qu’elles n’aient pas d’expérience en tant que mères, leur instinct maternel s’est immédiatement réveillé et elles ont pris soin de leurs veaux dès le premier jour. Je suis heureuse que nous ayons fait cette transition. Quel plaisir de laisser les veaux avec leurs mères, d’observer leurs soins, leur tendresse et leur proximité !

« Les vaches allaitantes organisent un système de garde »

Les vaches allaitantes sont de bonnes mères

Les vaches mères ne laissent pas leurs veaux sans surveillance, mais organisent un service de garde. Dans mon petit troupeau, il y a des vaches qui se proposent volontiers de le faire, elles gardent alors toute la journée un œil sur le troupeau, tandis que les autres mères peuvent manger tranquillement un peu plus loin. Elles se relaient et ne se disputent pas non plus pour savoir qui fait quoi. Comme elles font pour s’entendre reste un mystère pour moi.

C’est un petit troupeau qui s’organise quasiment seul pendant l’été. Lorsqu’il fait très chaud et que de nombreux insectes piqueurs agacent les vaches au pâturage, elles viennent volontiers passer la journée dans l’étable fraîche et libre de tout parasite. Elles profitent ainsi de quelques heures dans une étable agréable. Pour moi, c’est aussi l’occasion d’habituer les veaux à l’étable et de les apprivoiser.

Education à l’autonomie

La plupart du temps, lorsque les veaux sont devenus des bovins et qu’ils ont environ 10 mois, les mères en ont assez des tétées et des tiraillements sur leurs mamelles, elles veulent être tranquilles. Cela n’arrive pas du jour au lendemain. Mais lorsque la mère ne veut plus être tétée, elle devient agressive et renvoie le jeune bovin, qui est désormais presque aussi grand qu’elle. Cela ne signifie pas qu’elle ne veut plus être proche de lui, mais simplement qu’ils ne peuvent plus téter. Cela implique par contre que le jeune bovin se nourrira désormais uniquement d’herbe ou de foin et devra manger davantage par lui-même. La mère se prépare ainsi à la prochaine mise bas. Sa mamelle devient petite, se vide et elle a le temps de se reposer..

En montagne, pas de maraîchage

Nous étions conscients que sans les revenus de la vente de lait, nous passerions à la « production de viande ». Ici, en région montagneuse, on peut avoir un grand jardin, mais on ne peut pas se lancer dans la production maraîchère. Nous étions donc conscients que nous devions vendre des veaux, ou plus précisément des jeunes bovins. Soit comme reproducteurs dans d’autres exploitations, soit en les abattant à l’âge d’un an et en commercialisant la viande auprès de nos clients. L’objectif était et demeure toujours de contourner le commerce de gros.

Un autre objectif est d’offrir aux animaux la meilleure vie possible jusqu’à leur future destination. En hiver, des sorties quotidiennes ensemble sur les pâturages forestiers enneigés et, en été, la vie en troupeau sur différentes parcelles de la zone de pâturage.

«J’accompagne les animaux jusqu’au boucher»

Des décisions difficiles

La décision d’abattre un jeune bovin n’est pas facile à prendre. J’ai décidé d’accompagner chaque animal jusqu’à la boucherie. L’animal est chargé calmement, en prenant suffisamment de temps, et conduit dans une remorque à l’abattoir en un minimum de temps (15 minutes). L’abattage se déroule très rapidement et de manière professionnelle. Nous avons un boucher dans la région qui a un très bon contact avec les animaux, c’est un grand soulagement pour moi.

Quand on a un petit troupeau comme le mien, on a un lien relativement étroit avec chaque animal. Cela présente certainement des avantages, mais les adieux ne sont pas faciles pour tout le monde. Mes clients me connaissent et connaissent mes animaux, mon étable et mes pâturages. Ils mangent tous relativement peu de viande, commandent directement chez moi et connaissent les avantages et les inconvénients de ma petite exploitation. Ils partagent la responsabilité avec moi en étant prêts à payer un supplément de prix.

Ce que je veux savoir – ce que dois-je savoir

Et toujours la même question : suis-je conscient de ma responsabilité dans mes actes ?

Pour moi, être responsable, c’est aussi être conscient, s’informer et faire preuve de compassion.

Avant, je disais toujours que si l’on voulait manger de la viande, il fallait aller dans un abattoir et regarder. Je me suis éloignée de cette idée. Nous ne devons pas non plus regarder chaque salade se faire décapiter… et on continue à manger de la salade.

Mais ceux qui aiment manger des produits d’origine animale et veulent les savourer doivent s’en soucier. Ceux qui aiment manger des produits végétaux doivent également s’en préoccuper : D’où vient le produit, comment et où il a-t-il été fabriqué, qui s’occupe de l’élevage, de la reproduction, de la récolte et comment ont été organisés la transformation, l’emballage, le transport et la vente.

Tout comme l’huile de palme ou le soja d’outre-mer n’ont pas leur place dans nos assiettes, la viande issue de l’élevage industriel ou d’outre-mer n’y a pas sa place non plus. Ceux qui s’intéressent à cette question ne tarderont pas à s’intéresser à la qualité du sol et à la santé de leurs habitants, ainsi qu’à la qualité de l’air et de l’eau. Et c’est une bonne chose.